Anomalies Coronaires Congénitales

Outil indispensable

De nombreuses formes anatomiques d’ANOCOR (Anomalies Coronaires Congénitales) existent. L’imagerie cardiovasculaire permet de les identifier et aussi de les classer selon leurs risques avec la recherche de critères de sévérité. Cette imagerie souvent multimodale occupe une place importante dans la démarche diagnostique et pour la prise en charge thérapeutique. Plusieurs modalités d’imagerie coronaire peuvent être utilisées. 

L’échocardiographie transthoracique

Hormis les sportifs de haut niveau, pour lesquels le code du sport français prévoit la réalisation systématique d’une échocardiographie, sa pratique à titre de dépistage chez un sportif n’apparaît pas dans les recommandations actuelles. Lorsqu’une échocardiographie est prescrite pour une aptitude à la pratique sportive, la sensibilisation des opérateurs à la recherche systématique des ostia coronaires permet d’augmenter les chances de faire le diagnostic d’une connexion coronaire dans un sinus inapproprié. Par exemple, une étude (1) a rapporté que la prévalence des ANOCOR passe de 0.02% à 0.22% dans une population non adulte lorsque les ostia coronaires sont systématiquement recherchés avec un protocole spécifique (analyse des sinus mais aussi de la portion initiale de l’aorte ascendante, utilisation du doppler couleur). Les recommandations ACC/AHA (2) concernant les activités sportives en cas de cardiopathie congénitale proposent de rechercher attentivement les ostia coronaires lorsqu’une échocardiographie est indiquée. Cette recherche peut être difficile chez les adultes, en particulier âgés ou avec une mauvaise fenêtre acoustique. La visualisation d’ostia coronaires en place, ectopiques ou non vus devrait figurer sur un compte-rendu d’échocardiographie réalisée chez un sportif. Libre ensuite au cardiologue référent de compléter le bilan par une imagerie en coupe. En pratique, hormis chez les enfants et les adolescents, une ANOCOR est très rarement diagnostiquée par l’échocardiographie transthoracique. L’échocardiographie transoesophagienne n’est pas d’un apport significatif dans ce domaine. 

Le scanner coronaire

Le scanner coronaire est une technique d’imagerie en coupe qui permet une étude volumique précise des structures anatomiques et de leurs rapports. C’est la technique de référence pour le diagnostic des ANOCOR. Elle est indispensable dans la grande majorité des cas. L’acquisition se fait en une courte apnée après l’injection d’un produit de contraste iodé. Il est important de préciser avant l’examen l’existence éventuelle d’une hypersensibilité à un produit de contraste iodé ou d’une insuffisance rénale sévère (DFG < 30 mL/min/1.73 m2). La découverte d’une ANOCOR lors d’un scanner coronaire est le plus souvent fortuite et implique de prendre un avis cardiologique. Parfois le scanner coronaire est réalisé en complément d’une coronarographie pour mieux préciser le type d’ANOCOR. La description précise d’une ANOCOR est primordiale pour en déterminer les risques potentiels et donc orienter la prise en charge. La classification anatomique d’une ANOCOR comporte plusieurs étapes. 

Le type d’artère coronaire 

Il peut s’agir de l’artère coronaire droite, du tronc commun, de l’artère interventriculaire antérieure ou de l’artère circonflexe, plus rarement d’une artère septale. Plusieurs ANOCOR peuvent être observées chez un même patient. 

Le type de connexion

Il s’agit le plus souvent d’une connexion dans le sinus controlatéral ou dans l’artère controlatérale. Les connexions dans le sinus non coronaire ou dans l’aorte ascendante (> 5 mm de la jonction sinotubulaire)  sont plus rares, de même que les connexions dans l’artère pulmonaire qui restent exceptionnelles. Les connexions très excentrées dans le sinus approprié sont aussi exceptionnelles, de même que les hypoplasies ou les atrésies ostiales. L’artère coronaire unique est caractérisée par un seul ostium avec un remplissage rétrograde de l’artère coronaire non connectée à l’aorte.

Le trajet initial ectopique

Pour rejoindre son territoire myocardique, l’ANOCOR va emprunter un trajet initial ectopique à partir de sa connexion aortique. Quatre trajets ont été identifiés avec une classification qui tient compte des rapports de l’ANOCOR avec les troncs artériels aortique et pulmonaire. Il peut s’agir d’un trajet prépulmonaire (ou antérieur), d’un trajet rétropulmonaire (ou intraseptal), d’un trajet interartériel (ou préaortique) ou d’un trajet rétroaortique (ou postérieur)

L’analyse morphologique d’un trajet interartériel

En cas de connexion dans le sinus controlatéral avec un trajet interartériel, une analyse précise est nécessaire pour identifier des critères de sévérité correspondant à un passage intramural aortique. Cette analyse morphologique est basée sur plusieurs paramètres quantitatifs : 

– La mesure de l’angle de connexion aortique,

– La forme de l’ostium avec le degré d’excentricité (ratio entre grand axe et petit axe) : forme en fente si ratio ≥ 2, forme ovale si ratio > 1.3 et < 2, forme normale si ratio ≤ 1.3,

Le degré de sténose (en diamètre et en surface) par rapport au segment coronaire proximal non ectopique,

– La longueur du trajet interartériel et du passage intramural aortique s’il existe.

L’identification d’un passage intramural aortique repose en général sur l’association de trois critères : un angle de connexion ≤ 30°, une forme en fente de l’ostium et une réduction de diamètre ≥ 50%. Le diagnostic de passage intramural aortique est donc établi sur des signes indirects car le scanner coronaire ne permet pas de visualiser la paroi aortique. Les reconstructions 3D peuvent aider à reconnaitre un trajet interartériel avec passage intramural aortique ou sans passage intramural aortique

La recherche d’un athérome coronaire

La présence et la diffusion globale d’une maladie coronaire athéromateuse peut être précisée avec la classification CAD-RADS (3) qui tiendra compte de la charge athéromateuse sténosante ou non sur l’ensemble de l’arbre coronaire (artère ANOCOR et autres artères). La distribution de l’athérome varie selon les trajets ectopiques avec une surreprésentation pour le trajet rétroaortique et une prévalence très basse sur les trajets interartériels. 

L’évaluation physiologique

Outre les aspects anatomiques et morphologiques d’une ANOCOR, le scanner coronaire permet de mesurer le retentissement fonctionnel de l’anomalie sur la perfusion myocardique distale. C’est ce qu’on appelle FFRCT qui modélise l’impact d’une sténose coronaire sur le débit sanguin dans le territoire perfusé par cette artère. 

La coronarographie

La coronarographie est une technique d’imagerie qui utilise les rayons X. Il s’agit d’injecter un produit de contraste iodé directement dans les artères coronaires. Pour ce faire, il faut ponctionner, sous anesthésie locale, l’artère radiale (au niveau du poignet) ou l’artère fémorale (au niveau de l’aine), y placer un introducteur à travers lequel seront montées, jusqu’au cœur, des sondes qui permettent d’opacifier les artères coronaires. Il s’agit d’une méthode simple mais dite invasive, comportant donc des risques, et qui se fait dans un environnement de salle de cardiologie interventionnelle. En cas de connexion dans un sinus aortique non approprié, il est parfois difficile de cathétériser sélectivement l’ANOCOR et d’avoir une opacification coronaire correcte. Il existe différentes techniques qui peuvent pallier ces inconvénients. La découverte d’une ANOCOR peut être fortuite lors d’une coronarographie. Il est possible avec de l’expérience de reconnaître un trajet ectopique prépulmonaire, rétropulmonaire, interartériel ou rétroaortique. Cependant une analyse morphologique fine est difficile car la coronarographie est une projection planaire d’éléments volumiques et ne permet pas de visualiser les structures adjacentes au réseau coronaire. Aussi, un scanner coronaire sera généralement réalisé après la découverte d’une ANOCOR lors d’une coronarographie. Cependant, cette dernière garde toute sa pertinence pour une évaluation plus précise avec la possibilité de réaliser une imagerie coronaire endovasculaire ou d’évaluer un retentissement fonctionnel par un guide pression avec la mesure de paramètres physiologiques (iFR, FFR). Récemment, le développement d’algorithmes puissants permet de mesurer une FFR à partir des images de la coronarographie, ce qui pourrait simplifier grandement l’évaluation d’une ANOCOR.

L’imagerie coronaire endovasculaire

Dans certaines situations, l’imagerie coronaire endovasculaire peut être utile pour préciser les caractéristiques anatomiques d’une ANOCOR. Ce type d’imagerie est réalisé au cours d’une coronarographie et peut utiliser deux modalités : l’échographie endocoronaire par des ultrasons ou la tomographie par cohérence optique par une onde lumineuse. 

Echographie endocoronaire

Du fait de sa bonne résolution spatiale, l’échographie endocoronaire (IVUS pour IntraVascular UltraSound) est un outil utile pour visualiser en même temps la paroi artérielle coronaire et les structures adjacentes comme l’aorte et le tronc pulmonaire. Cette modalité est particulièrement intéressante pour analyser les trajets interartériels des ANOCOR. On retrouve ainsi les modifications morphologiques liées à l’espace disponible entre les troncs artériels, à savoir une déformation de l’ostium (en ellipse ou en ovale selon qu’un passage intramural aortique est associé ou non) et une réduction du calibre artériel (en diamètre et en surface) par rapport au segment coronaire non interartériel. La longueur du trajet interartériel ou du passage intramural aortique peut être mesurée. L’échographie endocoronaire est reconnue comme la modalité d’imagerie de référence pour confirmer ou infirmer la présence d’un passage intramural aortique. Cette imagerie permet aussi de vérifier l’absence d’une maladie athéromateuse associée au niveau d’un trajet interartériel, cas habituel. Des modifications dynamiques (réduction de calibre systolique) peuvent être observées au repos (très rarement) ou lors d’un test de provocation comme avec la dobutamine. Il est préférable d’utiliser un mode de retrait manuel afin d’identifier au mieux la zone juxta-ostiale coronaire. L’échographie endocoronaire peut être aussi utile aussi dans les autres trajets ectopiques associés à une réduction de calibre dont il faut préciser la cause.

Tomographie par cohérence optique

La tomographie par cohérence optique (OCT pour Optical Coherence Tomography) est moins performante par rapport à l’échographie endocoronaire pour visualiser les structures extérieures à une lumière artérielle coronaire. Aussi, elle est moins utilisée pour analyser le trajet interartériel d’une ANOCOR. Par ailleurs, un cathétérisme non sélectif fréquent pour la coronaire droite limite la qualité de l’injection du produit de contraste. L’enregistrement des images est plus facile pour la coronaire gauche. Enfin, le mode d’enregistrement automatique des images ne permet pas toujours une identification correcte de l’ostium coronaire. La tomographie par cohérence optique reste intéressante pour d’autres trajets ectopiques, comme le trajet rétropulmonaire associé à une réduction de calibre. Il faut alors distinguer une maladie athéromateuse d’un passage intramyocardique.

L’imagerie par résonance magnétique

L’IRM cardiaque n’a pas de place diagnostique chez l’adulte, car ses performances pour l’analyse d’une ANOCOR sont nettement inférieures à celles du scanner coronaire. L’analyse IRM a pour but d’identifier des séquelles de nécrose (infarctus) et/ou des zones de fibrose dense myocardique dans le territoire de l’ANOCOR sur la séquence de rehaussement tardif (Late Gadolinium Enhancement) après l’administration de chélateurs de gadolinium. Ces aspects pourraient être des marqueurs d’épisodes répétés d’ischémie myocardique silencieuse. La perfusion myocardique de repos et sous stress pharmacologique est souvent normale car l’utilisation d’un stress pharmacologique ne reproduit qu’imparfaitement les changements dynamiques survenant lors d’un effort physique intense. L’IRM cardiaque peut en revanche identifier des causes autres que l’ANOCOR dans les situations particulières de troubles du rythme ventriculaire ou d’arrêt cardiaque récupéré.

Les références

  • (1) Utility and importance of new echocardiographic screening methods in diagnosis of anomalous coronary origins in the pediatric population: assessment of quality improvement, publié en 2015 dans Pediatric Cardiology (Pediatr Cardiol. 2015;36:120-25.) et écrit par Thankavel PP, Lemler MS, Ramaciotti C.

  • (2) Eligibility and Disqualification Recommendations for Competitive Athletes With Cardiovascular Abnormalities: Task Force 4: Congenital Heart Disease, publié en 2015 dans Journal of the American College of Cardiology ( Circulation. 2015 Dec 1;132(22):e281-91.) et écrit par Van Hare G, Ackerman M, Evangelista JA, Kovacs R, Myerburg R, Shafer K, Warnes C, Washington R.

  • (3) Coronary Artery Disease – Reporting and Data System, publié en 2016 dans Journal of the American College of Radiology (J Am Coll Radiol 201. 2016:13:1458-66.) et écrit par Cury RC, Abbara S, Achenbach S, Agatston A, Berman DD, Budoff MJ, et al. CAD-RADS™.