Autorisations et restrictions sportives
La majorité des morts subites liées à une ANOCOR (Anomalie Coronaire Congénitale) surviennent lors d’une activité physique sportive généralement intensive. Pour les nombreuses formes anatomiques à risque découvertes fortuitement, il se pose alors la question de l’autorisation ou non de la poursuite de l’activité sportive, et de l’indication d’une correction dans certains cas. La question du dépistage systématique des ANOCOR à risque avant le début d’une pratique sportive intensive n’a pas encore de réponse.
S’il est prouvé que la pratique régulière d’une activité physique, dont les activités sportives, a un effet bénéfique sur le système cardiovasculaire, une activité physique intense et répétée augmente le risque de mort subite durant cette activité ou dans l’heure suivante. C’est ce que l’on appelle le paradoxe du sport avec un bénéfice reconnu à long terme au prix d’un sur risque modéré lors des périodes d’exposition du système cardiovasculaire à des efforts importants. Les ANOCOR à risque représentent, selon les études, la deuxième ou troisième cause de mort subite liée à une activité sportive avant l’âge de 35 ans. La maladie coronaire athéromateuse est la cause principale de mort subite après l’âge de 35 ans, et les cardiopathies congénitales sont alors peu impliquées. Les ANOCOR identifiées à risque de mort subite représentent environ un tiers de toutes les connexions coronaires aortiques anormales. Elles sont plus fréquentes, en particulier les ANOCOR droites, que d’autres pathologies congénitales à risque de mort subite comme la cardiomyopathie hypertrophique, la dysplasie ventriculaire droite arythmogène ou certains syndromes électriques (Brugada, QT long). Cependant les ANOCOR, en particulier les ANOCOR droites, exposent à un risque nettement moindre de mort subite en comparaison avec les plupart des cardiopathies congénitales citées précédemment. Lorsqu’une ANOCOR est diagnostiquée chez un sportif, il convient de lui fournir les informations les plus précises possibles en fonction de l’état de nos connaissances. Il faut s’aider bien entendu des recommandations disponibles, et en prenant garde à ne pas poser de restrictions trop strictes, si l’état cardiaque ne le justifie pas, pour une activité physique dont on connaît les bénéfices en termes de santé mentale et physique. Un bilan d’aptitude à une activité sportive, avec interrogatoire-examen clinique-ECG, ne permet pas le dépistage des ANOCOR. Ces dernières sont donc moins recherchées, alors que la relation entre la mort subite et l’effort physique est particulièrement forte, ce qui pose la question du mode de dépistage des ANOCOR à risque.
Nous disposons de trois recommandations européennes de la Société Européenne de Cardiologie et de deux recommandations nord-américaines (American Association of Thoracic Surgeons et American Heart Association/American College of Cardiology). Ces recommandations ne couvrent pas toutes les situations possibles et peuvent diverger sur certains points.
2020 – ESC Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease
Ces recommandations considèrent :
– Que les trajets interartériels et rétropulmonaires sont à risque de mort subite.
– Qu’une imagerie cardiovasculaire et un test d’effort doivent être proposés en cas d’ANOCOR pour rechercher des critères anatomiques de sévérité et une ischémie myocardique (classe IIa).
– Que pour les individus asymptomatiques avec une ANOCOR sans trajet entre les troncs artériels, sans critères anatomiques de sévérité (aspect en fente de l’ostium, réduction de calibre, passage intramural aortique) une pratique sportive en compétition peut être envisagée, après une information adéquate quant aux risques, et sous réserve de l’absence d’ischémie myocardique (classe IIb).
– Qu’après une correction chirurgicale d’une ANOCOR, une reprise sportive, quelle que soit l’intensité, peut être envisagée après 3 mois, en l’absence de symptomatologie, d’ischémie myocardique ou de troubles du rythme sévères lors d’un test d’effort maximal (IIb).
– Que la participation à des activités sportives d’intensité moyenne à élevée en compétition, n’est pas recommandée pour les patients avec une ANOCOR associée à un angle de connexion aigu ou à un trajet entre les troncs artériels (III).
Outre le fait que le trajet rétropulmonaire est considéré comme à risque de mort subite, ce qui est n’est pas rapporté dans la littérature de manière consensuelle, ces recommandations apparaissent moins permissives que les recommandations nord-américaines, en particulier pour les ANOCOR droites. Le sport de loisir n’est pas évoqué, et il n’est pas fait de distinction entre les ANOCOR gauches et les ANOCOR droites pourtant à risques très différents. Il est précisé enfin que ces recommandations ne peuvent s’appliquer aux patients de plus de 40 ans. Il est indiqué pour cette population que les activités sportives sans compétition et d’intensité modérée à moyenne peuvent être envisagées.
Ces recommandations considèrent :
– Que les ANOCOR connectées dans un sinus inapproprié, avec un angle de connexion aigu ou un trajet entre l’aorte et l’artère pulmonaire sont les plus à risque de mort subite. Une correction chirurgicale doit être conseillée chez les patients symptomatiques. Une participation aux activités sportives d’intensité élevée est déconseillée avant cette correction (classe II).
– Que les ANOCOR sans trajet interartériel sont à bas risque de mort subite, et qu’en l’absence de trouble du rythme ou d’ischémie myocardique lors d’un test fonctionnel, ou de symptôme, une correction n’est pas recommandée. En l’absence de données suffisantes, une approche individuelle doit être proposée pour le sport en compétition (classe III).
– Qu’en cas de correction de l’ANOCOR et en l’absence d’ischémie myocardique, tous les sports en compétition sont autorisés (classe III).
– Que pour les autres ANOCOR comme la connexion de l’artère circonflexe dans le sinus droit, et en l’absence d’ischémie myocardique, il n’existe pas de restriction pour la pratique sportive en compétition (classe IIa).
Ces recommandations ne font pas de distinction entre les ANOCOR gauches et les ANOCOR droites. Par ailleurs, la situation des patients asymptomatiques avec une ANOCOR à risque n’est pas abordée, de même que le sport de loisir.
2017 – Expert consensus guidelines: Anomalous aortic origin of a coronary artery
Publié dans The Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery
Ces recommandations considèrent :
– Que les patients avec une ANOCOR gauche avec un trajet interartériel et non corrigée, symptomatiques ou non, doivent être contre-indiqués à tous les sports en compétition (classe I).
– Que pour les patients avec une ANOCOR droite avec une connexion dans le sinus gauche, asymptomatiques et sans ischémie myocardique induite par un test fonctionnel avec imagerie, la participation à une activité sportive en compétition est possible, après une information éclairée sur le risque de mort subite (IIa).
Ces recommandations sont ciblées sur une population jeune et le sport de loisir n’est pas abordé. Elles reprennent à leur compte les recommandations ACC/AHA 2015 sur la possibilité d’autorisation d’une activité sportive en compétition pour les ANOCOR droites asymptomatiques et sans ischémie myocardique induite.
2015 – Eligibility and Disqualification Recommendations for Competitive Athletes With Cardiovascular Abnormalities: Task Force 4: Congenital Heart Disease
Publié dans Journal of the American College of Cardiology
Ces recommandations considèrent :
– Que les athlètes avec une ANOCOR pulmonaire peuvent participer seulement aux activités sportive d’intensité faible (PDF classification sports AHA/ACC 2015), indépendamment d’un antécédent d’infarctus du myocarde, et en attendant la correction de l’anomalie (classe I).
– Que les ANOCOR droites doivent explorées par un test d’effort. Et qu’en l’absence de symptôme ou de test d’effort positif, une activité sportive en compétition peut être envisagée après une information adéquate sur les risques et les bénéfices, prenant en compte l’incertitude de la signification d’un test d’ischémie négatif (classe IIa).
– Qu’après une correction chirurgicale d’une ANOCOR, une reprise sportive, quelle que soit l’intensité, peut être envisagée après 3 mois, en l’absence de symptomatologie ou d’ischémie myocardique ou de troubles du rythme sévères lors d’un test d’effort (classe IIb).
– Qu’après la correction d’une ANOCOR pulmonaire, la décision de restreindre les efforts physiques peut être basée sur la présence d’une séquelle d’infarctus du myocarde ou d’une dysfonction ventriculaire gauche (classe IIb).
– Que les athlètes avec une ANOCOR gauche, en particulier en cas de trajet interartériel, doivent être contre-indiqués à tous les sports en compétition, hormis les sports de faible intensité (IA), avant une correction chirurgicale (classe III). Cela concerne les athlètes symptomatiques ou non.
– Que les athlètes avec une ANOCOR droite avec symptomatologie, trouble du rythme ou test d’effort positif, doivent être contre-indiqués à tous les sports en compétition, hormis les sports de faible intensité (IA), avant une correction chirurgicale (classe III).
Ces recommandations sont ciblées sur les athlètes et le sport de loisir n’est pas abordé. En revanche, la distinction entre ANOCOR droites et gauches est faite.
Aucun dépistage systématique des ANOCOR n’est proposé dans les recommandations citées précédemment. La problématique du diagnostic d’une ANOCOR est :
– Que la symptomatologie est parfois absente, la mort subite pouvant en être le mode de révélation. Une symptomatologie d’effort préalable (douleur thoracique, lipothymie, syncope, ou palpitations) est cependant retrouvée dans près de la moitié des cas de mort subite ou d’arrêt cardiaque récupéré.
– Que l’ECG de repos ne montre généralement pas d’anomalie spécifique.
– Que le bilan réalisé habituellement pour une visite d’aptitude à la pratique sportive (interrogatoire, examen clinique, parfois ECG) ne permet pas le dépistage d’une ANOCOR.
Toutefois, une échographie cardiaque est requise pour les athlètes professionnels et pour les athlètes identifiés espoirs par le Ministère des Sports. La recherche des ostia coronaires doit être systématique et colligée dans le compte-rendu (ostium en position normale, en position anormale ou mal visualisé). L’échographie cardiaque ne permet pas toujours l’identification de toutes les ANOCOR, car, dans certains cas, la circonflexe rétroaortique peut ne pas être détectée. Mais cette ANOCOR, jamais associée à un trajet interartériel, n’est pas concernée pour la qualification à une activité sportive. Lorsqu’une ANOCOR droite ou gauche est suspectée en échographie, une imagerie en coupe est nécessaire pour préciser l’anatomie coronaire. Le scanner coronaire est aujourd’hui l’outil le plus utilisé. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser les ostia coronaires et de d’identifier un trajet ectopique, mais reste de réalisation assez délicate en particulier chez l’enfant, et ne permet pas les mêmes modalités de post-traitement que le scanner. Pour les sportifs non professionnels et non identifiés espoirs, il n’existe pas de consensus sur le contenu du bilan cardiovasculaire d’aptitude sportive, y compris pour les sports d’intensité élevée pratiqués en compétition. La réalisation d’un ECG est recommandée par les sociétés scientifiques française et européenne, mais pas l’échographie cardiaque. La question du dépistage à large échelle des ANOCOR reste donc débattue. Une étude prospective utilisant l’IRM cardiaque a identifié environ 0.35% d’ANOCOR à risque parmi une population d’adolescents candidats à une activité sportive. La prévalence des ANOCOR droites était 10 plus élevée que celle des ANOCOR gauches. Un projet d’utilisation d’une imagerie cardiovasculaire (échocardiographie ou imagerie en coupe) pour toute une génération de jeunes sportifs pose bien entendu la question des moyens humains, techniques et financiers.
Le diagnostic d’une ANOCOR est le plus souvent fortuit. Lors d’une consultation cardiologique pour aptitude à la pratique d’un sport, la recherche d’une symptomatologie survenant à l’effort doit être systématique. Lorsque cette dernière existe, un échocardiogramme et un test fonctionnel doivent être proposés. Si une ischémie myocardique est documentée ou qu’un ostium coronaire paraît en position anormale, un scanner coronaire doit être envisagé. En cas d’ANOCOR diagnostiquée, les formes anatomiques avec un trajet prépulmonaire ou rétroaortique autorisent la pratique sportive y compris en compétition. Les formes anatomiques avec un trajet rétropulmonaire peuvent poser des difficultés de prise en charge, car dans certaines recommandations, elles sont considérées à risque. Ces ANOCOR doivent être évaluées par un test fonctionnel avec imagerie car certaines formes anatomiques peuvent être associées à une ischémie myocardique en particulier chez l’enfant et l’adolescent. Le risque de mort subite paraît cependant exceptionnel. L’autorisation de la pratique sportive doit être validée par un cardiologue du sport ou une équipe multidisciplinaire expérimentée en s’assurant de l’absence de symptomatologie d’effort ou d’ischémie myocardique. Ce sont bien entendu les ANOCOR avec un trajet interartériel qui nécessitent le plus d’attention. Pour ces formes symptomatiques ou avec ischémie myocardique, il existe une contre-indication aux activités sportives d’intensité moyenne ou élevée, tant que l’anomalie coronaire n’a pas été corrigée. Pour les formes gauches asymptomatiques et sans ischémie myocardique, il peut se poser la question d’une correction chirurgicale préventive si le projet sportif le nécessite (exposition cardiovasculaire à des efforts intenses et répétés). La prise en charge des ANOCOR droites asymptomatiques et sans ischémie myocardique reste difficile car les recommandations peuvent diverger, les européennes étant moins permissives que les nord-américaines. Nous suivons généralement ces dernières avec la possibilité d’une activité sportive d’intensité moyenne ou élevée, pour les ANOCOR droites asymptomatiques et sans ischémie myocardique chez l’adulte âgés de plus de 35 ans, avec une information éclairée du sportif et de son entourage sur les risques très faibles de mort subite et sur la nécessité de pratiquer l’activité sportive dans un environnement permettant de prendre en charge immédiatement un arrêt cardiaque. La stratification entre sport d’intensité faible, moyenne ou élevée paraît plus pertinente qu’une stratification entre sport de loisir (parfois de haute intensité) et sport en compétition (parfois de faible intensité). Cependant, les contraintes en termes de responsabilité juridique ne sont pas identiques. Les caractéristiques anatomiques d’une ANOCOR droite (recherche de critères de sévérité) et le projet sportif (haute intensité, haut niveau, projet d’activité professionnelle) peuvent amener à restreindre les autorisations de pratique sportive chez les jeunes patients. Dans tous les cas, la décision d’une autorisation ou d’une restriction doit être argumentée et prise de manière collégiale. Il faut éviter si possible de restreindre par excès, en préconisant toujours au moins la poursuite d’une activité physique sportive modérée, dont on connaît les bénéfices.